Les réunions portant sur l’éducation se succèdent à un rythme soutenu. Des sujets de première importance y sont examinés. A l’ordre du jour, dernièrement, le Conseil ministériel restreint (CMR) qui s’est penché sur l’épineuse question de la création du Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Un jour auparavant, le 15 décembre 2022, une autre réunion a permis la signature du document du cadre général de référence des apprentissages au niveau de l’enseignement primaire.
Toute cette effervescence ne doit pas rester sans suite d’autant plus qu’elle servira à baliser la voie devant une vraie réforme du système éducatif.
Le Conseil ministériel restreint présidé par la Cheffe du gouvernement a abordé l’idée de créer ce qu’on appelle le Conseil supérieur de l’éducation. cinq ministres étaient présents au CMR (de l’Education, de l’Enseignement supérieur, de la Formation professionnelle, des Affaires religieuses, de l’Economie et du Plan) en plus de la conseillère auprès de la Cheffe du gouvernement).
Faut-il rappeler que ce Conseil a été énoncé dans la nouvelle Constitution du pays dans son article 35, chapitre IX. Cet article stipule que ce Conseil «émet son avis sur les grands plans nationaux dans le domaine de l’éducation de l’enseignement et de la recherche scientifique, de la formation professionnelle et des perspectives de l’emploi. La loi fixe la composition de ce Conseil, ses attributions et les modalités de son fonctionnement».
A première vue, tout semble normal. Mais, comme on le sait, le diable se cache dans les détails. D’ailleurs, nous avons évoqué les appréhensions quant à la mise sur pied d’un tel organisme (voir La Presse du 16 juillet 2022). Mais comme il y a, paraît-il, une volonté affirmée d’aller de l’avant dans un tel projet, on ne peut qu’espérer que le rôle qui incombera à cette instance sera au niveau des attentes.
Le CMR en question devrait élaborer un projet de décret qui sera publié instamment et dans lequel on trouvera tous les objectifs attendus à travers la création d’un tel dispositif, notamment dans le cadre de la réforme attendue de tout le système éducatif, d’enseignement et de formation professionnelle. Les enjeux sont stratégiques et ne supportent ni retard ni report.
Toutefois, il faudrait veiller à la composition de ce Conseil et ses attributions. Les membres qui le composeront doivent se distinguer par leur compétence et leur capacité à relever les défis. Ils ne doivent être guidés que par le seul intérêt national et l’appartenance à une identité tunisienne. Bien sûr, l’ouverture sur l’Autre et l’adhésion aux valeurs universelles seront, également, de vraies références.
De la sorte, les grandes lignes et les grandes orientations de tout le système éducatif et d’enseignement ne pourront être tracées que lorsque toutes les parties impliquées dans le processus seront convaincues des objectifs assignés. C’est sur cette base, uniquement, qu’il deviendra possible de préserver l’opération de réforme et lui garantir toutes les chances de réussite. Du coup, personne ne pourra plus prétendre piloter, seul, la machine et on fermera définitivement la porte devant les différentes ingérences qui ont tout chamboulé durant ces dernières années.
Remise en question de certains enseignements
Concernant l’autre réunion du comité de pilotage du projet d’amélioration des programmes au niveau de l’enseignement primaire, il faut se féliciter que les deux parties (ministère de l’Education et le représentant syndical) sont parvenues à un résultat. Il s’agit de la signature d’un document fixant le cadre de référence général relatif à l’architecture des apprentissages dans l’enseignement primaire.
Ces deux dernières réunions viennent à point nommé pour souligner la nécessité d’avancer dans la voie de l’élaboration de cette réforme tant attendue du système éducatif. Beaucoup de temps a été perdu dans ce contexte. C’est ce qui a porté préjudice tant à la qualité qu’au niveau de notre enseignement.
De grandes étapes ont été déjà franchies en vue de préparer une réforme globale mais tout est resté lettre morte. Un document exhaustif a été élaboré après les nombreuses réunions qui ont eu lieu dans les régions et au niveau national. Mais les outputs n’ont été suivis d’aucun effet. Aussi bien l’enseignement supérieur que secondaire ou primaire restent les otages d’un attentisme qui n’a pas lieu d’être.
Aujourd’hui, il est plus que temps de passer à l’action. Les grands axes à réformer sont clairs et ne demandent qu’à être mis en œuvre.
On parle, à juste titre, d’allègement des programmes et de l’aménagement du temps scolaire. Sur ces deux points, il faut insister sur le fait que nous entrons de plain-pied dans l’ère du numérique et des nouvelles technologies. Jusqu’à maintenant, on considère qu’on est encore très loin des objectifs à atteindre en la matière. Alors que les supports numériques sont en train de supplanter les supports papiers, nous continuons à élaborer des manuels et des outils classiques. Les contenus des programmes sont toujours un lourd fardeau pour les élèves. Des matières sont toujours enseignées selon des méthodes qu’on peut qualifier d’archaïques.
On peut citer les différentes «éducations» (éducation artistique, musicale, théâtrale) qui ont besoin d’être revues de façon fondamentale. Leur présence dans les programmes doit être l’objet d’une vraie remise en question. A notre avis, ces disciplines auraient une meilleure place au sein des clubs. Nous aurons, alors, des clubs de musique ou de théâtre ou d’arts plastiques. Quant à la méthode adoptée jusqu’ici de l’enseignement théorique de ces matières, elle est largement dépassée.
Dans les clubs, elles seront abordées sous forme d’activités culturelles et, par conséquent, elles n’en seront que plus enrichissantes parce que plus dynamiques et plus captivantes. N’oublions pas que de telles activités s’imposent de plus en plus dans notre système éducatif pour leur conférer ce caractère motivant et inclusif. Savons-nous, par exemple, que l’écrasante majorité de nos élèves qui étudient la musique au primaire ou dans le préparatoire n’ont jamais touché un instrument musical ? Et dire qu’on leur apprend la musique ! Idem pour le théâtre où la théorie prédomine.
D’autres révisions sont attendues au niveau des matières qui nécessitent la mémorisation et qui accaparent le plus clair du temps de révision chez nos élèves.
En tout cas, on attend de cette mobilisation au niveau des instances officielles qu’elle apporte, vraiment, quelque chose de concret susceptible d’aider à sortir notre système éducatif de son marasme chronique.